Obtenir les permis ou les douze travaux d’Astérix

Publié par stpierrestephane58@outlook.fr le

Bon je ne vous apprends rien, pour se construire, il faut un permis de construction. Mais il faut aussi le permis pour démolir l’ancien chalet et un permis d’abattage d’arbres. D’après le site de la ville, on peut avoir le tout en moins de 2 mois. Donc on s’y prend d’avance, soit un an avant la date prévu de démarrage de la construction.

Je me rends aux bureaux de la Ville de Sherbrooke, et là, on m’apprend d’abord que notre rue n’est pas conforme pour les incendies, qu’il y a une lettre au dossier depuis 2015. Or j’ai deux voisins qui se sont construit après cette date.

Je les consulte donc et ils me montrent toute une série de documents et de lettres, dont la dernière de l’avocat de la ville, explique que ce dossier est réglé depuis 2016, et donc que cela ne s’applique pas. Mais évidemment, les fonctionnaires de la Ville n’ont pas eu le temps de corriger les dossiers. Donc quelques sueurs froides et pertes de quelques semaines.

Les fonctionnaires m’apprennent alors que la Ville vient de passer un nouveau plan nature qui protège maintenant 45% des surfaces de la région, et que celui-ci étant intérimaire, il n’y a ni mécanisme de contestation, ni mécanisme de correction des erreurs. Or, devinez: On tombe en plein dans leur carte d’aire protégée. On ne peut plus couper le moindre arbre, la moindre branche, la regarder, l’arracher, bref, comment veux tu construire une nouvelle maison sur le lieu même de ton vieux chalet existant, si tu ne peux même pas couper un seul arbre. En gelant 45% de l’aire de la Ville, (en période de pénurie de logement), la Ville cause des préjudices importants à tous ceux qui ont démarré des développements immobiliers, qui ont déjà créé de nouvelles rues et infrastructures et commencé à construire des logements, ou qui, comme moi, paie des taxes importantes sur la base de la valeur de leur terrain. Mais si je ne peux plus me construire, il est évident que mon terrain ne vaut plus grand chose, donc que je vais contester mon compte de taxe.

Comme le plan est tout nouveau, personne ne sait ce qu’il faut faire. On nous suggère d’engager un biologiste et un ingénieur forestier (quelques milliers de $) et de tenter de démontrer que les arbres doivent être abattus pour aider la forêt, ou que nous ne sommes pas dans un milieu humide… Mais par la suite on nous apprend que cela ne sert à rien car le plan intérimaire ne permet pas d’exception… Vous voyez ci-dessous en vert tout ce qui devient protégé. Notre chalet est au 7350, donc même notre chalet existant est à moitié « protégé). Insensé.

En plus gros, on voit la trace de notre chalet existant. La moitié du chalet est dans la zone de « boisé d’intérêt ». En bref, la Ville nous répond:

  1. Il semble qu’une partie de la rue de la Pointe Gervais se soit vu retirer l’approbation du service de protection des incendies de Sherbrooke. En consultant les archives, nous avons trouvé une lettre de notre service juridique (voir la pièce jointe) informant les résidents des adresses concernées qu’une partie de la rue n’était pas conforme et que des travaux devaient être effectués afin de remédier à la situation. Aucun permis ne peut être délivré pour une construction se trouvant sur une rue privée si cette dernière n’a pas cette approbation. Nous sommes en attente d’une réponse de nos services concernés. Ils sont juste en retard de 9 ans pour mettre à jour leur dossier !!!
  2. Advenant que la rue soit approuvée, votre propriété étant dans un boisé d’intérêt ET d’un écosystème et habitat particuliers, vous êtes seulement autorisé à entretenir la propriété existante. Tout agrandissement ou construction neuve doit être à l’extérieur d’un écosystème ou habitat particulier. !!!
  3. Finalement, puisque votre propriété date d’avant 1940, si vous obtenez l’autorisation de faire une demande de permis, elle devra être envoyée par notre service au ministère de la Culture et des Communications pour analyse. Ce dernier autorisera ou non la démolition, il faudra compter un délai supplémentaire d’environ 6 mois.

Quoi? Notre vieux chalet peut avoir un intérêt archéologique ? On n’est pas en France, ici. Que pourrait-on trouver ? Jacques Cartier aurait écrit ses mémoires sur une roche sous notre chalet ?

Bref, je tente d’abord, pendant qu’on envoie la demande à Québec pour l’archéologie, de convaincre la Ville que l’on n’est pas dans un boisé d’intérêt ou un écosystème particulier. J’ai parlé aux chefs des chefs des inspecteurs bâtiments qui m’ont renvoyé aux gens d’environnement qui m’ont dirigé aux gens qui ont le pouvoir d’appliquer le plan intérimaire. Mon ami juge m’a suggéré d’écrire à la Ville en mentionnant qu’il s’agit en fait d’une expropriation déguisée, mais bien sûr le gouvernement Legault a fait modifier la loi pour limiter les montants à payer par les entités gouvernementales en cas d’expropriation (bref, on a donné le moyen aux villes et ministères de faire de telles expropriations sans avoir à dédommager les propriétaires; on se croirait dans une dictature communiste).

Dans une lettre à la Ville, j’ai tenté l’humour avec des photos où je montre que du gazon autour du chalet ne peut être considéré comme un « boisé d’intérêt » et le bardeau d’asphalte sur le toit ne peut être considéré comme un écosystème exceptionnel (à moins que les grenouilles à 5 pattes urbaines mangeuses de bitume soient menacées et donc protégées elles aussi) !

Voyez sur la photo le bouleau et les deux érables qui constituent le « boisé d’intérêt près du chalet, tel que la carte montrée plus haut le considère…

Aussi boisé et d’intérêt de ce côté. Et remarquez le gazon, un écosystème vraiment « exceptionnel », qui nous vaut le classement dans le plan nature – le chemin de gravier aussi.

Pensant encore avoir affaire à des gens intelligents et désireux de régler les problèmes des citoyens, je leur ai donc attiré l’attention sur cet article du plan nature:

  • L’expression « écosystème ou habitat particulier» désigne un écosystème ou habitat particulier sensible situé dans un milieu boisé d’intérêt et cartographié sur la carte 2 annexée;

Exceptions à l’intérieur des milieux boisés d’intérêt

Que l’interdiction d’abattre un arbre ou permettre que soit abattu un arbre dans les territoires visés par la carte 2 annexée ne vise pas :

7)      La construction d’un nouveau bâtiment principal, incluant ses bâtiments et ouvrages accessoires, sur un terrain adjacent à une rue existante, lorsque réalisé à l’extérieur d’un écosystème ou habitat écologique particulier;

J’ai aussi mentionné, bien sûr, que mon chalet actuel ne peut être dans une zone boisée, étant une construction, et qu’il y a donc erreur sur leurs cartes. Dans un premier temps, l’inspecteur me répond:

Dans ma carrière, j’ai travaillé dans ou pour plus de 28 pays: Albanie, Algérie, Arménie, Burundi, Cameroun, Canada, Chili, Côte d’Ivoire, République Démocratique du Congo, Corée du Sud, Egypte, Ethiopie, Indonésie, Kenya, Laos, Libéria, Madagascar, Malawi, Nigéria, Ouganda, Russie, Rwanda, Sénégal, Soudan, Sud Soudan, Tanzanie, Vietnam.

Fort de cet échantillon, j’ai procédé à une analyse statistique approfondie et j’en conclue que les fonctionnaires sont tous les mêmes (je pensais d’abord que ceux de la préfecture de Grenoble était particulièrement ch…), ils sont soient incompétents, soient leur plus grande source de satisfaction au travail est l’exaspération du citoyen. Bref, ils ne sont pas payés sur la base de l’efficacité et du service rendu pour leurs citoyens. Mais je ne m’attendais pas à une réponse aussi ridicule. Comment voulez-vous que je place une maison neuve dans le petit bout de terrain non hachuré qu’ils me laisse (voir photo ci-dessus) ?

Quoiqu’il en soit, je ne sais pas si l’humour a fonctionné, ou c’est l’argument de l’expropriation déguisé (avec menace voilée de poursuite) qui l’a emporté, mais quelqu’un dans la chaîne de commandement a décidé de se débarrasser de moi en envoyant un arboriculteur voir sur place. Celui-ci a ensuite décrété que le fameux bouleau de la photo plus haut était malade et « devait » être abattu pour le bien public et donc, que la Ville m’accorderait le permis de construction seulement si j’abattais le bouleau (et uniquement celui-ci, mais cela me permettait de construire la maison). Bien sûr, certains arbres pourraient souffrir durant la construction, et mourir de leur belle mort par après, mais çà, c’est une autre histoire – entre nous.

Je pensait que tout est réglé, mais on reçoit de Québec les résultats de la consultation sur l’aspect archéologique:

  • « Le terrain occupé par le bien détient un potentiel archéologique pré contact, soit un potentiel associé à la plaine alluviale (no 80 sur l’extrait du plan ci-bas). Le patrimoine archéologique est fragile, rare et non renouvelable. Des opérations d’excavation, entre autres, peuvent grandement l’affecter. Compte tenu de ce qui précède, le ministère de la Culture et des communications et la Ville recommandons de recourir à une approche d’archéologie préventive permettant d’établir un diagnostic spécifique au projet dans l’objectif de minimiser les répercussions des excavations sur la ressource archéologique. Le travail à main avec une pelle, une truelle et des tamis est une nécessité si on veut récupérer des vestiges anciens autochtones. Cela implique minimalement des sondages manuels faits avant le début des travaux pour les zones de potentiel identifiées. Si des sites sont trouvés, des fouilles plus extensives sont requises afin de récupérer le maximum d’informations. Sinon, l’option de relocaliser des travaux (par ex. une canalisation) est une excellente option qui permet de conserver le site archéologique et de laisser poursuivre le travail de la ville. »
  • « De plus, l’article 74 de la LPC (Loi sur le patrimoine culturel) stipule que « quiconque découvre un bien ou un site archéologique doit en aviser le ministre sans délai » et que « cette obligation s’applique, que la découverte survienne ou non dans le contexte de fouilles et de recherches archéologiques ». Nous vous demandons de prendre en compte ces informations. »

Mais ils sont malades ! J’ai environ 0,6 m à creuser, et il faudrait que j’embauche un archéologue, que je le fasse creuser avec une pelle et un pinceau, pour trouver le calumet de Pocahontas. J’appelle donc la Ville, service archéologie, et on m’explique alors que cette approche n’est pas obligatoire. On peut commencer à creuser et, si on trouve quelque chose, on doit alors tout arrêter et aviser le ministère. (Sur la photo, en rouge, les zones à fort potentiel archéologique. La zone 80, c’est la pointe Gervais, où on se situe, vous voyez la chance qu’on a ! Trois ou quatre amérindiens se sont fait un feu de camp il y a cent ans et ont dû laisser une ou deux canettes de bières!

Nous n’avons bien sûr rien trouvé lors de l’excavation, mais lorsque vous viendrez nous visiter, je vous ferai admirer le magnifique tomahawk acheté à la boutique souvenir de la réserve de Kanawake, près de Montréal; une véritable antiquité 🙂

On reçoit enfin notre permis, démolition, construction et abattage (1 arbre). Mission accomplie.

Petite note: En mars, en vacances en Espagne, Wendella, encore passablement fâchée par ces embûches, décide de refaire une demande d’abattage d’arbres (13 au total). Je lui souhaite bonne chance, car bien sûr, rien n’a changé au niveau du plan nature. Rien ? En fait, une foule de poursuites d’entrepreneurs, une mairesse sur la voie de disparaître, je pense qu’il y a du avoir une directive de faire des concessions. Bref, Wendella envoie la demande, et reçoit une autorisation pour abattre 10 des 13 arbres demandés. Les seuls arbres refusés sont déjà morts. Que comprendre.

Quand on arrive en mai, on voit qu’un de ces trois arbres est tombé pendant l’hiver, reste deux. Je vais voir la Ville et j’explique que ces arbres sont complètement morts. On me dit que la nouvelle politique est de garder les arbres morts, « pour les pics bois », entre autres. Pas logiques. J’invoque encore le bon sens, si ces arbres tombent, ils peuvent blesser quelqu’un car l’un est sur la plage, l’autre près du chemin où on laisse les autos. Aussitôt, l’inspecteur me demande si ces arbres mettent en danger la propriété ou les personnes, ce que je lui confirme (c’étaient les mots magiques). On a reçu une facture de 20$ et on a pu abattre des 2 arbres aussi. Bref, on a abattu 12 arbres dans un « boisé d’intérêt » et un « écosystème d’exception », 6 mois après qu’on nous avait dit qu’on ne pouvait pas se bâtir… Allez comprendre.


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Catégories : Activité

1 commentaire

Quel genre de maison voulons-nous ? - ma-presque-passivhaus.fr · 2024-12-23 à 12:04 PM

[…] devons autant que possible occuper l’empreinte du vieux chalet pour la nouvelle maison (voir /Obtenir les permis ou les douze travaux d’Astérix). Le plan d’agencement de la nouvelle maison doit donc s’ouvrir vers le sud et […]

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